C'était un club de lecture un peu particulier, car nous avons autant discuté de littérature que d'art. Les yeux de Mona nous a permis de nous interroger sur la nature de l'art, notre rapport à l'art, et de travailler spécifiquement sur le vocabulaire de l'analyse artistique.

Il s'agit d'un livre au format hybride, entre le roman et le cours d'histoire de l'art, dont la conciliation des genres ne nous a pas toujours semblé maîtrisée...

Mais je laisse la parole aux élèves du club de lecture, dont voici les avis !

L’avis de Nicole : 4 étoiles

Les Yeux de Mona permet aux lecteurs et lectrices de découvrir cinquante-deux œuvres aux musées du Louvre, d'Orsay et de Beaubourg avec une jeune fille et son grand-père. Le livre couvre une immense période de l’histoire de l’art, mais on ne se sent jamais submergé par tous les détails et les faits grâce à un style d'écriture accessible et ludique.

En plus, chaque chapitre suit la même structure : une narration plus traditionnelle de la vie de Mona, une description d’une œuvre au musée, puis une conversation autour de cette œuvre entre Mona et son grand-père. Au début, j’avais pensé que ce format pourrait être ennuyeux mais j’ai trouvé que ça donnait un aspect méditatif à la lecture, surtout avec la “leçon de vie” qui est associée à chaque chapitre.

Il est évident que l’art est une grande passion pour l’auteur et j’ai beaucoup apprécié son vocabulaire précis pour décrire les tableaux et les sculptures ainsi que sa façon poétique de transmettre la signification de chaque œuvre.

Cela dit, j’ai trouvé les parties plus traditionnelles du livre où l'auteur raconte l'histoire de Mona et de sa famille moins intéressantes. L’intrigue et l'écriture dans ces parties me semblaient un peu forcées et banales. Néanmoins, ce livre m’a beaucoup plu dans l’ensemble et m'a donné envie d’aller à Paris pour voir ces cinquante-deux œuvres de mes propres yeux. Je lui donne 4 étoiles.

L’avis de Lynn : 4 étoiles

J’ai beaucoup apprécié Les Yeux de Mona. Qu’on soit amateur d’art ou non, c’est un livre qui permet au lecteur d’entrer dans le monde des beaux-arts--un monde considéré souvent exclusif et réservé aux experts. À mon avis, la combinaison d’un enfant de dix ans et son grand-père averti était une bonne manière d’aborder ce type d’histoire. Henri sert d’une sorte de ‘guide’ aux œuvres pendant que le personnage de Mona, avec ses observations et questions honnêtes, nous donne de la confiance que ‘l’Art’ est accessible à nous tous. Il ne faut que se fier à nos sentiments en le regardant.

Sur un autre plan, l’histoire de Mona et sa relation avec son grand-père me plaisaient. J’imagine que cette partie de l’histoire fait renaître des souvenirs particuliers pour beaucoup de lecteurs, car un lien singulier entre les grands-parents et les petits-enfants est presque universel. C’est une relation, en général, d’une confiance forte.

Ce n’est qu’à la fin de l’histoire qu’on comprend mieux la stratégie d’Henri avec ce voyage à travers l’histoire de l’art. En plus de passer du temps de qualité avec Mona, il veut la préparer pour les révélations à venir sur Colette et la confrontation inévitable avec ses défis psychiatriques. On voit à travers les visites hebdomadaires un parcours des œuvres réalistes jusqu’aux œuvres abstraites. Et tout au long du voyage, Mona commence à ressentir les œuvres avec son cœur en plus de les voir avec ses yeux. Henri sert toujours comme guide pour Mona, mais cette fois c’est un guide de la vie. Le thème de la transmission des connaissances, soit d’un grand-parent à un petit-enfant ou d’un artiste au public, est très évident tout au long de l’histoire.

La fin de l’histoire est très touchante. Des larmes me sont montées aux yeux au moment où la cécité de Mona est percée de couleurs. Tout ce qu’elle a éprouvé pendant les 52 semaines avec son grand-père l’avait préparée pour ce moment avec la culmination du dernier tableau de Soulages. « Le noir est une couleur ».

Schlesser a bien organisé et écrit ce roman. D’un côté, la formule suivie dans chaque chapitre (la famille, la description de l’œuvre, la discussion) aide le lecteur à suivre le fil et lui donne des pauses entre les œuvres. De l’autre côté, parfois j’aurais préféré plus de variété et plus d’emphase sur la famille et Mona. Mais… avec le but d’aborder 52 œuvres/semaines, une stratégie était nécessaire pour gérer la taille du roman et l’attention du lecteur.

L’avis de Zarina : 3,5 étoiles

Les Yeux de Mona est un livre délicat. Il rassemble cinquante-deux œuvres d’art, à travers des rendez-vous hebdomadaires d’un grand-père et sa petite-fille au musée, où chacune est choisie à la fois pour éclairer une leçon de vie et pour guérir.

Si le projet séduit par sa douceur et sa beauté, les interprétations données à chaque œuvre sont bien souvent didactiques et prédéterminées. Elles privent parfois de découvrir l’œuvre dans sa complexité, alors que Mona est un personnage qui incarne l’apprenante idéale. Le roman aborde en outre de nombreux thèmes mais sans toujours leur donner l’espace de s’approfondir.

Et pourtant, quelque chose demeure, car peut-être l’accent de l'histoire n’est pas mis sur la force du développement, mais sur des fragments. Les Yeux de Mona est un exercice où il me fallait renoncer à mes conventions de lectrice, et parfois, ces fragments fugaces nous accompagnent plus longtemps qu’on ne l’aurait cru.

L’avis de Chloé : 3 étoiles

Je donne une note de 3/5 aux Yeux de Mona. Je pense qu'il y a eu trop de battage médiatique autour de ce livre et que j'en attendais beaucoup. Ce que j'apprécie de ce livre, c'est qu'il m'a permis de découvrir des œuvres d'art dont je n'avais jamais entendu parler.

Cependant, j'ai le sentiment que l'auteur avait des leçons spécifiques à partager et qu'il s'est peut-être efforcé de trouver des œuvres d'art correspondant à ces leçons. Je trouve incroyable le déclenchement de la cécité de Mona surtout de la manière dont elle s'est manifestée. Je n'ai pas non plus apprécié l'introduction d'un "nouveau personnage" (la grand-mère) en détail à la fin du livre. J'espère ne pas avoir été trop dure.

L’avis de Mike : 3,5 étoiles

Avant de commencer Les yeux de Mona, j’ai regardé une vidéo sur Youtube dans laquelle l'auteur, Thomas Schlesser a été interviewé.  Le journaliste a présenté et a vanté le livre comme un grand roman d’initiation à l'art et la vie.  Selon moi, cette catégorisation est un peu exagérée et malgré les efforts de Schlesser pour atteindre ces nobles objectifs, j’ai trouvé le livre insuffisant. Néanmoins, il y a beaucoup à apprécier dans ce livre.  Donc, je présente un point de vue mitigé.

Les relations familiales évoluent avec beaucoup de douceur et de charme. Les personnages principaux sont gentils. Ils ont de la compassion et du dévouement les uns envers les autres. Superbe ! Cependant, l’intrigue repose sur un mensonge, un secret aux conséquences potentiellement dangereuses. Il semble absurde que Henry, grand-père adoré, ait impliqué sa petite fille de dix ans dans une trahison envers ses parents, même si son but était admirable.

Schlesser ne comprend pas du tout les bases du développement d’enfant. Henry pense que Mona peut comprendre les aspects de la vie ainsi que les aspects de l’art au-delà des compétences d’un enfant. Ce n'était pas crédible. Encore pire, bizarrement, Mona semble comprendre toutes sortes de choses comme une adulte, une adulte, en fait, dotée d’un intellect brillant. Elle se rappelle en détail les événements de sa petite enfance bien avant qu’une telle mémoire soit possible.  Elle raconte des événements qui se sont déroulés à l'âge de trois ans. Impossible !  En tant que tuteur d’un enfant, Henry est sympa, un vrai papi-gâteau. Mais malheureusement, il n’y connait rien et il a tendance à exprimer des banalités.

Par contre, en tant qu'historien et critique d’art (et comme l’alter ego de Schlesser), Henry est plus ou moins, excellent. J’ai bien apprécié les leçons qui fournissent au lecteur les contextes culturels et historiques des œuvres. Il est vraiment un guide bénévole hors pairs. Il a une ampleur de connaissance qui comprend une grande gamme d'œuvres variées, de Goya à Abramovitch, par exemple. Je ne sais pas si c’est possible qu’une seule toile puisse changer la vie mais en dépit de ses déclarations hyperboliques, on a bien profité de ses discours. Donc, bravo M. Schlesser !

À l'égard d'une note pour le livre, je lui donne un 3,5. Il s'agit de la moyenne d’un 5 pour la partie du livre qui est une initiation à l'art et un 2 pour le roman qui l’accompagne.

Merci, chers élèves, pour vos avis pertinents sur cette oeuvre ! Ce roman a été encensé par la presse, mais il me semble que nos discussions nous ont permis de développer une vision plus nuancée de ce livre.

À bientôt pour une prochaine lecture ensemble !

Fanny